C’est peu de dire que la Côte d’Ivoire est à feu et à sang. De Bonoua à Daoukro, de Dabou à Bongouanou, des Ivoiriens se tuent et surtout se découpent à la machette. Comme de vulgaires barbares. Des bus et autres véhicules sont incendiés. Sans oublier des biens privés détruits. Ce, depuis l’annonce, le 6 août dernier, de la candidature controversée d’Alassane Ouattara, Président sortant, pour la présidentielle du 31 octobre 2020. L’opposition accuse le pouvoir Rhdp (Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix), de mettre en branle ses milices dénommés ‘’les microbes’’, pour agresser ses militants lors des manifestations contre le ‘’3è mandat inconstitutionnel’’ du Chef de l’Etat ivoirien. A en croire Pascal Affi N’guessan, président du Front populaire ivoirien (Fpi) et candidat à la présidentielle pour le compte de ce parti, dans sa conférence de presse du mercredi 21 octobre au siège du Pdci-Rda, des éléments de la police et de la gendarmerie accompagnent les miliciens dans leurs ‘’sales besognes’’ ; quand ces derniers ne sont pas habillés en tenue des Forces de défense et de sécurité (Fds) ivoiriennes.
C’est ce qui s’est passé, selon lui, dans le département de Dabou, ce mercredi 21 octobre 2020. Ajoutant qu’au barrage dressé par les jeunes, à l’entrée de la ville, des individus habillés en tenue de corps habillés se sont fait passer pour des éléments des Fds, venus pour les secourir ; permettant ainsi aux miliciens armés de faire leur entrée dans la ville et d’agresser, à la machette, ses habitants. Le pouvoir accuse quant à lui, l’opposition d’organiser les violences dans le pays et d’incendier des bus et autres véhicules de particuliers à travers son mot d’ordre de désobéissance civile, lancé par le Président Bédié du Pdci-Rda. Un homme qui souhaite garder l’anonymat et qui habite la cité Feh Kessé, à cocody (sur la route de Bingerville), nous a fait savoir, ce mercredi 21 octobre matin, qu’il est passé entre 5h45 mn et 6h du matin au carrefour Faya, dans la même commune.
La rue était déserte, selon lui, jusqu’au carrefour (Faya), où il dit avoir aperçu 5 à 6 personnes ; des syndicalistes qui croisent là souvent. 15 mn après, il apprend par les réseaux sociaux que des véhicules venaient d’être incendiés alors qu’il n’a pas vu aucun attroupement lors de ce trajet jusqu’au plateau (centre des affaires). Qui a donc mis le feu aux véhicules ? Notre quidam affirme que ces carrefours, notamment Feh Kessé et Faya, sont dotés de caméras ; donc facile d’identifier les pyromanes. Pourquoi depuis ces violences qui prennent de l’ampleur chaque jour, le gouvernement n’arrive-t-il pas à identifier les auteurs de violence tant à Abidjan qu’à l’intérieur du pays (où il y a aussi des caméras installées aux principaux carrefours) ? Ont-ils tort, les opposants à Ouattara qui soutiennent que c’est le gouvernement qui met le feu avec ses miliciens pour jouer ensuite au pompier ?
Quel sera le visage du pays d’Houphouët-Boigny, ‘’l’apôtre de la paix’’, les jours à venir, au moment où on amorce la dernière ligne droite vers cette présidentielle de tous les dangers ? L’appel au dialogue des religieux, des artistes, de la société civile et même de l’opposition, a, jusque-là, buté sur l’obstination d’Alassane Ouattara à briguer un 3è mandat lourd de conséquences. La mission de la Cedeao, conduite par la ministre ghanéenne des Affaires étrangères et de l’Intégration régionale, n’a pas été capable de faire asseoir les protagonistes de la crise ivoirienne autour d’une table du fait des positions tranchées. Les exigences de l’opposition se résument au retrait de la candidature d’Alassane Ouattara, pour avoir déjà fait ses deux mandats, au regard de la Constitution ivoirienne ; la réforme de la Commission électorale et du Conseil constitutionnel et l’audit international du fichier électoral.
Car, en croire l’Ambassadeur Youssoufou Joseph Bamba, Secrétaire Exécutif chargé des Relations Extérieures du Pdci-Rda, qui a animé une conférence de presse, le 15 octobre 2020 à Washington DC (Etats-Unis), ‘’la configuration actuelle de la Cei n’a ni légitimité ni capacité à mener des élections présidentielles inclusives, transparentes, libres, justes, crédibles et pacifiques en Côte d’Ivoire. En ce qui concerne le processus électoral actuel, une analyse minutieuse de la liste électorale provisoire effectuée par les partis politiques et les groupes d’opposition, a révélé de nombreuses lacunes et anomalies. Je pourrais citer quelques exemples tels que : un nombre impressionnant de ressortissants des pays de la sous-région ont été inscrits sur les listes ; 7 526 personnes n’ont ni père ni mère ; un nombre impressionnant de personnes décédées non rayées de la liste électorale ; 23 511 cas de doublons avec des personnes ayant au moins 10 cartes d’électeur ; des bureaux de vote annulés sans justification.
L’élément le plus important encore, c’est le délit d’initié dont s’est rendu coupable l’actuel Président de la Cei, qui utilise une compagnie-écran appelée NDB, appartenant à Voodoo Communication, l’agence de communication du parti (Rhdp, au pouvoir, Ndlr) et qui possède le code de nom de domaine du site Web de la Commission électorale indépendante (Cei). Une telle situation de complaisance permet ainsi à Voodoo communication de pirater en toute liberté le système informatique de la Commission électorale indépendante et ainsi de manipuler les résultats du vote.’’ En ce qui concerne le pouvoir, il n’entend pas transiger sur le jour du scrutin car pour lui, la date du 31 octobre est constitutionnelle.
En outre, le conseil constitutionnel a donné la liste de ceux qui doivent compétir ; soit quatre sur 44 prétendants. Il faut donc aller aux élections. De guerre lasse et pour sauver encore des vies, Henri Konan Bédié, président et candidat du Pdci-Rda, a, selon Youssoufou Bamba ‘’formellement adressé, le 13 octobre 2020, une demande au secrétaire général de l’Onu, d’inscrire la question de la situation explosive en Côte d’Ivoire à l’ordre du jour du Conseil de sécurité et en particulier de nommer un envoyé spécial pour faciliter la gestion de la crise en cours en vue de prévenir l’escalade de la violence et de sauver des vies.’’ En attendant, la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens retiennent leur souffle.
Jean Michael