Les conséquences et implications de l’élection présidentielle controversée ivoirienne d’octobre 2020, la parodie d’ouverture au dialogue avec l’opposition orchestrée sous pressions extérieures par le pouvoir, l’évolution de la désobéissance civile à laquelle avait appelé l’opposition avant le scrutin et la détention légalement discutable de certains des leaders de cette opposition continuent de dominer l’actualité nationale ; les questions économiques sont donc reléguées au second plan. C’est dans ce contexte difficilement prévisible que se déroule le processus d’adoption du projet de loi de finances pour 2021.
Retour de croissance forte en 2021 ?
Équilibrée en ressources et en dépense à 8 398,9 milliards FCFA, la loi de finances pour 2021, est en hausse de plus de 4% par rapport au Budget initial de l’Etat pour 2020. Le ministre du Budget et du Portefeuille de l’Etat, Moussa Sanogo, heureux que le texte soit passé comme une lettre à la poste devant la Commission des Affaires économiques et financières de l’Assemblée Nationale, le vendredi 20 novembre 2020, s’enthousiasmait de ce que ce projet va « se traduire par un retour de croissance forte avec un taux d’expansion économique attendu à plus de 6,5% du Produit intérieur brut (Pib) ». Cette perspective est cependant loin d’être partagé par le secteur privé ivoirien. Ce dernier, déjà mal en point avec le ralentissement des activités, se voit mettre sous pression supplémentaire par les mesures fiscales contenues dans la loi de finances. Il fait plutôt grise mine, un brin totalement désabusé que, ramant à contre-courant de la logique économique, « le gouvernement choisisse, dans cette période de crise au long cours, d’augmenter la charge fiscale des entreprises » !
Pour un satisfecit du Fmi
En effet, plutôt soucieux d’être en ligne avec le Fonds monétaire international (Fmi), qui lui aurait prescrit de commencer, dès 2021, à réduire le déficit budgétaire, le gouvernement a décidé, de faire payer, un peu plus encore, les entreprises ! « Surprise », « effarement » « incompréhension », « abasourdissement », « étonnement » sont les sentiments les plus répandus dans le microcosme économique national face à cette orientation austère de la politique budgétaire. De la Fédération Nationale des Industries et Services de Côte d’Ivoire (FNISCI) à la Confédération Générale des Entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) en passant par la Chambre de Commerce Européenne (Eurocham) et la Chambre de Commerce et d’Industrie Libanaise en Côte d’Ivoire (CCIL-CI), toutes jugent « inopportune et inappropriée pour le contexte économique du moment », la politique fiscale annexée à la politique budgétaire du gouvernement pour 2021.
Ces organisations représentatives des entreprises font valoir, en soutien de leur jugement, qui, « la situation déjà exsangue des entreprises qui encourent, avec cette prolifération de taxes additionnelles, le risque d’être parachevées » ; qui d’autre, « la persistance sinon l’aggravation, du fait de la crise, de certaines faiblesses structurelles en matière de productivité, d’innovation et de capitalisation des nouvelles technologies… dont il eut convenu d’essayer de motiver la correction » ; qui encore « une précipitation du gouvernement à vouloir élargir son espace budgétaire au mépris de la survie et de la compétitivité des entreprises ».
Des accommodements seront trouvés après
Comme il l’a fait en ce qui concerne les processus électoraux depuis 2018, ces objections du secteur privé, le gouvernement feint volontiers de les entendre. Il serait même disposé à apporter quelques nuances aux dispositions querellées. Mais seulement après leur adoption et promulgation en l’état ! Pas question pour lui de s’écarter de son objectif principal qui est de « relever le niveau de mobilisation des recettes fiscales » afin, avance-t-il, de « réduire le financement du développement de la Côte d’Ivoire par des ressources extérieures ». Et, le ministre Moussa Sanogo, n’a pas manqué de le seriner aux représentants du secteur privé lors de la rencontre qu’il a eue avec eux le 26 novembre 2020. Ainsi sur le front politique, comme sur celui de l’économie, la tactique du gouvernement reste la même : le passage en force.
René Ramissou