Quelle bête a piqué le Président ivoirien, Allassane Ouattara, pour devenir si frileux, au point de braver toute la communauté internationale qui l’a pourtant confortablement installé dans le fauteuil présidentiel, après y avoir délogé le Président sortant Laurent Gbagbo ? ‘’Outré par le désamour, il se braque et tire sur tout ce qui bouge’’, note Bally Fero, émérite journaliste ivoirien, sur sa page Facebook du 26 septembre 2020. Ce jour-là, en effet, alors qu’il était en ‘’visite d’Etat’’ dans la Région de la Marahoué (centre-ouest du pays), le candidat du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp, au pouvoir), a déclaré à la tribune et ce, pour répondre à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples de l’Union africaine (UA) : ‘’cette décision est nulle et de nul d’effet. Nous ne l’appliquerons pas et n’avons pas l’intention de l’appliquer’’.
Le 18 août 2020, après sa saisine le 05 août 2020, lors du contentieux de la liste électorale, la Commission électorale indépendante (Cei), rejetait la requête de Maître Claude Mentenon, avocat du président Laurent Gbagbo, aux fins de voir son client réinscrit sur la liste électorale provisoire de 2020. Le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, saisi le 20 août 2020, par le même avocat, confirmait le 24 août 2020, la décision de la Commission électorale et radiait ‘’définitivement’’ l’ancien Président de la République de la liste électorale de 2020. Au motif que ce dernier aurait été condamné, par itératif défaut le 18 janvier 2018, par le tribunal correctionnel d’Abidjan-Plateau, dans un procès dit du « braquage de la Bceao », condamnation qui aurait entrainé la perte des droits civiques et politiques du président Laurent Gbagbo.
L’avocat de l’ancien Président ivoirien, Maître Claude Mentenon a donc saisi, la 4 septembre 2020, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (Cadhp), de deux requêtes : l’une aux fins d’une part de « constatation de la violation des droits fondamentaux du président Laurent Gbagbo dans le cadre du contentieux des élections générales en Côte d’Ivoire, et d’autre part, aux fins de mesures provisoires » Faisant suite à sa requête, la Cadhp a ordonné le 25 septembre 2020, à l’Etat de Côte d’Ivoire de :
– Suspendre la mention de la condamnation pénale au casier judiciaire du président Laurent Gbagbo jusqu’à ce qu’elle se prononce sur le fond de la requête principale ;
– Prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lever immédiatement tous les obstacles empêchant la réinscription du président Laurent Gbagbo sur la liste électorale ;
– Faire rapport à la Cour de la mise en œuvre des mesures provisoires ordonnées dans un délai de 15 jours, à compter de la date de réception de la décision.
Le15 septembre dernier, la Cour africaine a pris un arrêt similaire pour Guillaume Soro, ancien Président de l’Assemblée nationale, en exil en France. Elle avait ordonné à l’Etat de Côte d’Ivoire de :
- Surseoir à l’exécution de tous les actes pris à l’encontre de Guillaume Soro subséquemment à l’ordonnance du 22 avril 2020 jusqu’à la décision de la Cour sur le fond de la cause ;
- Prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lever immédiatement tous les obstacles empêchant Guillaume Soro de jouir de ses droits d’élire et d’être élu notamment lors de l’élection présidentielle d’octobre 2020 ;
- De faire un rapport à la Cour sur la mise en œuvre des mesures provisoires ordonnées dans la présente décision dans un délai de 15 jours, à compter de la date de sa réception.
Un arrêt qui a provoqué le courroux du gouvernement ivoirien qui, le 20 septembre 2020, par la plume d’Ally Coulibaly, ministre des Affaires étrangères, avait pondu ce pamphlet : ‘’le gouvernement tient à rappeler que l’Etat de Côte d’Ivoire tire toutes les conséquences du retrait de sa déclaration de compétence du 28 avril 2020, consécutif aux graves et intolérables agissements de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples qui portent atteinte à sa souveraineté. Enfin, le gouvernement assure l’opinion nationale et internationale que toutes les dispositions sont prises pour garantir la tenue, le 31 octobre 2020, d’élections paisibles, transparentes et libres en Côte d’Ivoire’’.
Le bras de fer est donc engagé entre Alassane Ouattara, Président sortant, qui brigue un 3è mandat controversé qui a fait déjà plus de vingt (20) morts, causées par des supplétifs du régime dénommés ‘’les microbes’’, adossés aux Forces de défense et de sécurité ; de nombreux dégâts matériels et plusieurs arrestations dont des femmes des partis politiques et de la Société civile ; notamment Pulchérie Gbalet, de l’Alliance citoyenne ivoirienne et la Communauté internationale.
Pourtant, dans une déclaration à la presse, le 8 septembre 2020, le Haut représentant, au nom de l’Union Européenne a prévenu : ‘’l’Union européenne note les différentes procédures ouvertes auprès de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp) relativement au processus électoral et rappelle son attachement au respect de la justice internationale’’.
En outre, en rencontrant Alassane Ouattara, le Président ivoirien, le 21 septembre 2020, au Palais de la Présidence de la République de Côte d’Ivoire, le Représentant Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mohamed Ibn Chambas, avait insisté sur le ‘’soutien des Nations Unies pour l’organisation d’une élection présidentielle pacifique, inclusive, transparente et crédible’’.
Le Chef de l’Etat ivoirien qui affirme désormais dans ses meetings que son pays est souverain et n’entend pas recevoir des ordres de Paris ou de Washington, continue de faire la sourde oreille et mijote un passage en force (un coup Ko), le 31 octobre prochain, date du scrutin. Refusant ainsi de réformer la Cei, dont les sections locales sont contrôlées à plus de 98% par son parti, le Rhdp. Ses opposants, eux, ont opté pour ‘’une désobéissance civile’’, à moins de quarante jours des élections. Dans une atmosphère délétère qui fait craindre les pires atrocités.
Sylvain Namoya